• Les nouveaux visages de la servitude volontaire ou le rire salvateur

    Les nouveaux visages de la servitude volontaire ou le rire salvateur

     

    Les nouveaux visages de la servitude volontaire

    « Mais il est certain qu’à partir du moment où je me suis posé la possibilité de descendre aussi loin que possible dans le domaine du rire, j’ai ressenti, comme premier effet, tout ce que le dogme m’apportait comme emporté par une espèce de marée difluviale qui le décomposait. J’ai senti qu’après tout il m’était tout à fait possible, à ce moment-là, de maintenir en moi toutes mes croyances et toutes les conduites qui s’y liaient, mais que la marée du rire que je subissais faisait de ces croyances un jeu, un jeu auquel je pouvais continuer à croire, mais qui était dépassé par le mouvement du jeu qui m’était donné dans le rire. Je ne pouvais plus, dès lors, y adhérer que comme à quelque chose que le rire dépassait » George Bataille.

    “The sinister fact about literary censorship in England is that it is largely voluntary. Unpopular ideas can be silenced, and inconvenient facts kept dark, without the need for any official ban (...) If publishers and editors exert themselves to keep certain topics out of print, it is not because they are frightened of prosecution but because they are frightened of public opinion. In this country intellectual cowardice is the worst enemy a writer or journalist has to face, and that fact does not seem to me to have had the discussion it deserves. (...)The word ancient emphasises the fact that intellectual freedom is a deep-rooted tradition without which our characteristic western culture could only doubt fully exist. From that tradition many of our intellectuals arc visibly turning away. They have accepted the principle that a book should be published or suppressed, praised or damned, not on its merits but according to political expediency. And others who do not actually hold this view assent to it from sheer cowardice.” George Orwell

     

    Le lexique expurgé, l’art bâillonné, l’éloge de l’autocensure volontaire comme condition préalable au vivre ensemble, le déni de réalité et l’inversion des rôles entre la victime et le bourreau, tels semblent être les symptômes les plus éclatants du traumatisme lié au déchaînement de violence terroriste suite aux attentats perpétrés à Paris. Violence qui s’est prolongée comme une traînée de poudre dans tout le monde musulman, suite à la publication des caricatures du prophète. Cette publication,  ressentie comme une offense symbolique faite à la figure fondatrice et paternelle de l’islam, a engendré une violence bien concrète et sanglante comme un choc en retour.

    Il s’agissait  de  laver l’affront  par le sacrifice de victimes expiatoires en réponse au rire libérateur et sacrilège. L’autodafé du drapeau français, la représentation du président Hollande sous les traits du führer, l’incendie d’église chrétienne et de commerces appartenant à des français n’étant pas suffisant pour étancher symboliquement la soif de vindicte et le fanatisme des croyants. Il fallait exorciser dans le sang versé le blasphème.

    L’histoire du sacrifice dans les religions monothéistes consistant pourtant à substituer un animal, puis un tenant lieu ou un symbole à la personne humaine. C’est sur cette violence déchaînée que les religions ont été construites pour la canaliser et la signifier. En confondant le meurtre et le sacrifice, les terroristes ont régressé dans cette violence primordiale asymbolique. On peut alors parler de sacrifice inversé. L’inversion de la liturgie étant dans les religions l’apanage du malin. Le pape cautionne aussi cette catharsis par la violence qui serait la conséquence chez lui de l’offense chrétienne faite à la mère. Face au blasphème fut-il le plus facétieux, le rostre de l’intolérance religieuse ne tarde pas à se dévoiler avec sa dénégation du sacrifice et son retour au meurtre primordial.

    L’épouvante des actes terroristes,  a suscité massivement des réactions pacifiques de résistance et de soutien  à la liberté d’expression en péril. Elles émanaient de toutes les couches de la société. Le « Je suis l’autre » de Nerval qui récusait les carcans identitaire et ménageait sa place à l’Autre, devenant le « Je suis Charlie, je suis juif, je suis musulman, je suis chrétien, je suis flic, je ne suis rien et je suis tout, diastole et systole, je suis celui qui est. ». Substance incompressible capable d’absorber tous ses accidents. 

    Cependant l’on a pu aussi observer des reculades historiques de la liberté d’informer dans les médias anglo-saxons qui refusèrent de publier les caricatures et l’émergence de phénomènes de censure volontaire en France allant parfois jusqu’à l’éloge de la soumission  comme condition nécessaire et préalable au vivre ensemble.

    Les nouveaux visages de la servitude volontaire

    J’en veux pour preuves, le refus par le responsable du service arabophone de la BBC d’utiliser les termes de terrorisme pour qualifier les attentats survenus à Paris et de terroristes ceux qui les ont perpétrés.

    De peur de froisser sa précieuse audience, il leur préfère les qualificatifs laudatifs de « militants » ou de « combattants ».  Il décidait aussi dans cette frénésie d’objectivité journalistique de se cantonner à décrire les faits survenus, en utilisant le vocabulaire le plus transparent et le plus édulcoré possible pour éviter les jugements de valeur glissants et les connotations sournoises. Un massacre perpétré par des fanatiques Islamo-fascistes, se métamorphosant en virée de garçons bouchers en goguette, qui aurait quelque peu dégénérée, après que ses participants aient été saisi d’une frénésie à occire incoercible. Détachée de ses tenants et de ses aboutissants, la narration des faits en focalisation externe, devient une pantomime grotesque. Mr Kafala déclarait à The independent: “We try to avoid describing anyone as a terrorist or an act as being terrorist. What we try to do is to say that ‘two men killed 12 people in an attack on the office of a satirical magazine’. That’s enough; we know what that means and what it is.”

    Pourquoi frapper d’ostracisme ce terme et promulguer une fatwa sur le lexique ? « There are ways of conveying the full horror and human consequences of acts of terror without using the word ‘terrorist’ to describe the perpetrators. The value judgements frequently implicit in the use of the words ‘terrorist’ or ‘terrorist group’ can create inconsistency in their use or, to audiences, raise doubts about our impartiality.It may be better to talk about an apparent act of terror or terrorism than label individuals or a group. When reporting an attack, the BBC guidelines say it should use words which specifically describe the perpetrator such as “bomber”, “attacker”, “gunman”, “kidnapper” or “militant”.

    Ce Tartuffe, manipulateur impénitent, continue sur sa lancée en justifiant cette occultation des faits : “Terrorism is such a loaded word. The UN has been struggling for more than a decade to define the word and they can’t. It is very difficult to. We know what political violence is, we know what murder, bombings and shootings are and we describe them. That’s much more revealing, we believe, than using a word like terrorist which people will see as value-laden.”

    Ainsi, la connotation d’horreur politico-religieuse attachée à ce terme qui évoque synchroniquement les attentats et les prises d’otage quotidiennes de Boko Haram et de l’état islamique,  semble être inaudible pour une large partie des spectateurs de la chaîne. Leurs oreilles en seraient effarouchées.  Cet avachissement déontologique serait la ligne éditoriale prônée par la BBC pour ne pas courroucer ses spectateurs islamistes.

    En effet, la valeur axiologique du terme semble relative. Son sens connoté varie selon le bout de la lorgnette ou du canon où l’on se place.Pour certains ces « militants » sont des héros de la vindicte de l’Islam bafoué et pour d’autres des assassins fanatiques capables de tuer des enfants de sang froid comme à Toulouse ou d’abattre des femmes dans le dos comme à Paris. Il s’agit toujours de trouver la bonne distance et le bon éclairage. Pour cela, la BBC a opté pour la vacuité narrative en récusant tout jugement moral intempestif qui risquerait d’opacifier la compréhension des événements et de nuire à la fluidité de lecture de l’action. C’est ce qu’il appelle l’impartialité.

    Le regard surplombant, sans volonté de parti pris, est pourtant ici encore, malgré tout, une prise de position que l’on pourrait nommer occultation volontaire de la réalité ou débandade journalistique. Décrire un fait et l’expliquer dans son contexte pour essayer de le comprendre relève pourtant de la tentative journalistique normale pour faire émerger la vérité. Il n’en reste pas moins que les faits sont têtus et que les morts restent les morts, les assassins des assassins quel que soit l’enrobage idéologique dans lequel l’on tente de les fondre et de les confondre en essayant de détacher une conséquence de sa cause.

    L’habileté consiste aussi à invoquer la profondeur sémantique diachronique du terme terrorisme pour justifier son coupable abandon. En effet il semble découvrir avec stupeur que son sens dénoté a évolué à travers les siècles depuis son apparition dans la Liberté du Peuple de Gracchus Babeuf, le 11 septembre 1794.

    Ce néologisme est formé à partir du nom terreur et de l’adjectif terrible auxquels on a ajouté un suffixe en -isme/-iste comme dans rigoriste et dolorisme. Eux même issus du latin terrere qui signifiait effrayer, épouvanter et apparenté au verbe latin tremere qui signifiait faire trembler. Il désigne dans son contexte historique la période la plus sanglante de la révolution française qui court de la prise de pouvoir des députés montagnards en 1793 jusqu’au 28 juillet 1794, avec l’exécution de Robespierre. Sa signification originelle désigne les massacres de masse et les exactions systématiques organisées par le gouvernement républicain contre les ennemis présumés de la révolution. Par extension le terme de terroriste désignera tous les régimes qui usent systématiquement de la terreur pour imposer leurs politiques répressives.

    Le terme s’étendra à partir du 19eme siècle non plus seulement aux états et régimes mais à des groupuscules organisés et à des individus qui commettent des actes de violence extrême contre des cibles civiles déshumanisées au nom d’une cause politique ou religieuse pour terroriser une population, déstabiliser un état, assouvir une haine contre des communautés, un pays, ou un système qu’ils abhorrent. Les terroristes de Paris peuvent difficilement échapper à cette définition. L’effet sidérant de l’acte de terreur étant démultiplié par les médias, la mise à mort des victimes est maintenant spectacularisée dans une sorte de mise en scène macabre.  L’exhibitionnisme  et le voyeurisme substituent au dévoilement du visage et du corps dénudé, l’obscénité du corps torturé de la victime et la prépotence du bourreau qui singe Dieu.

    Orwell dénonçait déjà ce phénomène de couardise généralisée des intellectuels face au régime stalinien dans sa préface de “La ferme aux animaux” : “The servility with which the greater part of the English intelligentsia have swallowed and repeated Russian propaganda from 1941 onwards would be quite astounding if it were not that they have behaved similarly on several earlier occasions.”

    Dans son roman “1984”, il montrait comment la création de la novlangue qui consiste dans la dénaturation et l’épuration progressive du vocabulaire conjointement à la prolifération des euphémismes, permettait de rendre impossible le crime par la pensée car: «il n'y aura plus de mot pour le dire»(…)  Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n’y a plus, dès maintenant, c’est certain, d’excuse ou de raison au crime par la pensée. C’est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait (…) une idée hérétique serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépendit des mots(…) Vous serez creux. Nous allons vous presser jusqu'à ce que vous soyez vide puis nous vous emplirons de nous-mêmes.  »

    Conjointement à la réduction du vocabulaire, la novlangue consiste aussi dans l’exercice de la double pensée. Cette dernière consiste à abolir le principe de non contradiction et la dichotomie. Avec son exercice, deux choses contradictoires seront déclarés simultanément vraies. Cette discipline consiste dans un un aveuglement volontaire qui permet de soutenir tout et son contraire en toute bonne conscience sans égard pour la réalité. Si tout est vrai rien n’est vrai. « Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. » 

    Le principe fondamental pour l’accomplissement de cette révolution est le déni de réalité. Un rapport au langage qui est solidaire d’un rapport aux choses, un rapport aux êtres, un rapport au monde complètement déréalisé.  Les théories du complot qui fleurissent partout en ce moment y participent. Elles ne relèvent pas de l’esprit critique qui questionne les évidences mais de la reconstruction fantasmatique de la réalité comme dans la méthode paranoïa-critique de Dali. «La condition mentale dominante doit être la folie dirigée(…)Ce n'était pas seulement la validité de l'expérience mais l'existence même d'une réalité extérieure qui était tacitement niée (…) L'hérésie des hérésies était le sens commun. (…) Le Parti disait de rejeter le témoignage des yeux et des oreilles.»

    http://orwell.ru/library/novels/Animal_Farm/english/efp_go

    Demain faudra-t-il cesser de condamner les attentats et les politiques iniques d’où qu’elles viennent ? Pourra-t-on continuer à dénoncer l’injustice et l’oppression sans partialité ? Les politiques coloniales injustes menées par l’occident et ses alliés qui déciment des peuples et les spolient de leur terre et de leurs richesses mais aussi et simultanément vilipender tous les intégrismes qui veulent instaurer la bigoterie comme règle de vie universelle.  

    Devons nous juguler notre liberté d’expression coincée entre le marteau et l’enclume et nous enfermer dans des dilemmes manichéens ? Non ! Il faut proclamer son désaccord sans œillères sélectives. Le refus d’être cornaqué  pour conserver son esprit critique et sa liberté d’expression souveraine est le premier des droits et des devoirs du citoyen. Il faut dénigrer tous les carcans culturels et déroger à la pesanteur de l’esprit de sérieux totalitaire et à son corollaire qui est la culpabilité généralisée.

    Silence, l’œuvre de Zoulikha Bouabdellah, artiste franco-algérienne, a  été retirée à sa demande juste avant le lancement de l’exposition Femina à Clichy. Son installation consistait dans 28 escarpins dorés posés sur 28 tapis de prière. Celle-ci avait pour but de réfléchir « les liens entre les espaces profane et sacré, ainsi que la place de la femme au seuil de ces deux mondes». Cette reculade intervient après la mise en garde de  la Fédération des associations musulmanes de Clichy du risque de troubles que l’œuvre pourrait engendrer dans le contexte de tensions exacerbées post-attentat.

    Dans le même sens Cécile Bourgneuf dans Libération constate que depuis les attentats la Culture n’en finit plus de s’autocensurer. http://www.liberation.fr/culture/2015/01/29/apres-charlie-hebdo-la-culture-s-autocensure_1191212

    D’autres enfin, comme cet historien des religions,  ont déjà définitivement sombré dans la tiédeur du renoncement volontaire. Ils invitent les autres à s’enliser dans l’ornière de la démission morale et intellectuelle, sous le couvert du bon sens élémentaire et de l’évidence irrémédiable décrétant « que la liberté absolue n’est ni souhaitable ni viable ».

    Ainsi ce zélote de la servitude volontaire et de la déliquescence liberticide affirme : « Aujourd’hui, force est de constater que nous sommes les seuls à vouloir continuer à pouvoir nous moquer de Dieu impunément, et dans une certaine indifférence. L’insolence anti-religieuse est assez bien portée en France. Mais il semble évident que nous allons devoir mettre de l’eau dans notre vin car nos sociétés deviennent de plus en plus multiculturelle et multi-religieuses. C’est peut-être la fin de la tolérance molle qui s’auto-justifie au nom de la liberté d’expression exaltée comme un absolu intouchable. »

    Pour que je puisse mettre de l’eau dans mon vin encore faudrait-il que je puisse encore trouver une divebouteille dans le futur. Après les livres et les œuvres d’art impies que l’on aura brûlé c’est notre sacro-saint pinard qui trinquera. Plus de saintes ampoules, pour soigner mon désespoir de voir se gonfler les rangs chaque jour plus nombreux des avachis définitifs, des jouisseurs de la cravache, des exaltés de la coercition, des traumatisés des Lumières, des passeurs de camisoles, des lamineurs de liberté.

    Oui, vous avez raison nous sommes bien seul face à ce concert de la débâcle, à ces chorales du consensus mou, mais avec Sartre il faut réaffirmer « Penser c’est ne pas être dans le mouvement.» Le décalage, l’insolence, le refus de se laisser engluer et le blasphème pour porter plus loin cette respiration qui prévient la sclérose de nos sociétés.

    Aujourd’hui on assiste à la grande braderie de cet idéal du penser contre. L’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo n’est que l’acmé de cet anéantissement de l’esprit de 68 que d’aucuns appelaient la permissivité. Ce n’est  pas la presse d’extrême droite qui a été frappée mais les derniers représentants de l’esprit libre, de la révolution permanente de la conscience, du sabotage de l’esprit de sérieux et de l’imposture. En cela on ne peut voir en eux que les héritiers de Rabelais dont l’outrance déjouait toujours les tentatives d’enfermement. Si la France doit être quelque chose c’est dans ce refus de réification. A l’heure ou les populismes et conjointement les intégrismes tentent de l’enserrer, elle ne vaut que par sa faculté à se réinventer et à déplacer les marges qui constituent son identité.

    « Pour vivre ensemble, il me semble qu’il va falloir introduire une prudence citoyenne et s’appliquer une autocensure pacifiste, même quand on chérit la liberté d’expression. C’est d’ailleurs une question de bon sens. Nous avons un mal fou à accepter le fait qu’une relation supporte voire exige, pour rester viable, l’autocensure et que c’est un moindre mal. L’humain se contrôle partout. En famille, au travail, il compose avec les autres. La liberté absolutisée qui ne tiendrait plus compte de comment le propos est reçu n’est plus applicable dans une société multi-ethnique et multi-culturelle. On ne peut pas tout dire, partout, tout le temps. Ça me paraît être du bon sens. »

    Je ne résiste pas au bonheur de  citer longuement ce parangon de la flaccidité et du décati esthétisant qui se repaît de sa chute langoureuse dans la démission et l’obéissance baveuse. Il semble tout droit échappé d’un roman de Houellebecq qui incarnerait le visage «des ultimes résidus d’une social-démocratie agonisante ». Pétri de renoncement il est le pendant du professeur Pickup, inventeur de la «pantautologie», personnage de l’école des dictateurs de Silone. Le refoulement généralisé comme préalable à toutes les relations humaines pour contrer la tyrannie de la liberté « absolutiste ». Le vivre ensemble conçu comme une discipline de l’aveulissement et non comme l’approfondissement réciproque de la connaissance de l’autre. Le goût sucré de l’abandon consenti et désiré. Car comme le dit Rediger dans « Soumission » : « l’idée renversante et simple, jamais exprimée, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue. »

    Vous appelez de vos vœux la fin de la « tolérance molle » et souhaitez l’avènement des rigueurs de la loi et de la vigueur du rappel à l’ordre. Je vous opposerai simplement cette citation de Breton : « Les aspirations de l'homme à la liberté doivent être maintenues en pouvoir de se recréer sans cesse ; c'est pourquoi elle doit être conçue non comme état mais comme force vive entraînant une progression continuelle. »

    La liberté est une conquête perpétuelle que tout concourt, vous avez raison, à anéantir chaque jour un peu plus. Les exploits des sicaires du rigorisme vont accélérer cette glaciation de nos libertés individuelles qu’il va falloir défendre contre les tentations sécuritaires de contrôle permanent et totalitaire. Les nouvelles technologies étant l’instrument pernicieux qui risque de mettre définitivement à genoux nos libertés civiles. Les fascismes s’interpellent et se répondent. Leur but est commun. Effacer l’homme et le réduire à la bête de somme et au port de l’œillère.

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1313137-charlie-hebdo-et-les-caricatures-la-liberte-absolue-n-est-ni-souhaitable-ni-viable.html

    Il y a trois postures possibles à adopter face à cette chape de plomb qui est en train de nous ensevelir. La première est la soumission obséquieuse et confortable, l’enlisement des assis qui s’oublient dans la servilité. Elle consiste à devenir un rouage décervelé qui cède aux sommations quotidiennes des dresseurs. La seconde consiste à sombrer dans la toute puissance de la certitude  qui est la voie royale du fanatisme et de l’ethnocentrisme qui sont un passe droit pour l’annihilation de l’Autre dans la jouissance du devoir accompli. Enfin la troisième voie consiste à traverser tous les discours d’enfermement d’où qu’ils viennent, en récusant toutes les certitudes idéologiques par un éclat de rire déchirant. Tous les discours mortifères qui prônent l’abandon de l’esprit critique, le triomphe des oppositions simplistes qui médusent la pensée, doivent être confrontés à l’ordalie du rire souverain. « Où étaient les verrous est l’océan ouvert. L’océan porteur et la plénitude de toi intacte. Comme un œuf d’ivoire » disait Henri Michaux dans «  Face aux verrous ».

    Sur ces entrefaites, je repars dans la cave, toujours en quête de la Dive bouteille qui m'apportera l'illumination...

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